lundi 11 avril 2011

Diatribe de l’immortalité

Le cycle consacré à Leoš Janáček continue cette saison à l’OnR avec L’Affaire Makropoulos. Une œuvre intense et actuelle aux dires de son metteur en scène : Robert Carsen.

E.M. Emilia Marty. Eugenia Montez. Le temps passe, les époques se succèdent, les gens meurent, les noms changent. Mais elle, elle reste là, immortelle, cantatrice éternellement brillante. Tous les soixante ans, elle change d’identité, seuls son talent et ses initiales demeurent. « E.M. » renvoie en réalité à Elina Makropoulos, fille d’un alchimiste grec du XVIe siècle. Ce dernier lui avait fait boire un élixir de son invention afin qu’elle vive trois cents ans. Alors que les effets dudit élixir s’estompent, Elina se rend à Prague pour en retrouver la formule. Mais revivre autant de temps est-il bien ce qu’elle désire ? « Elle n’a plus aucune passion. Elle a tout vu, tout vécu. Ses enfants, le succès, les morts l’indiffèrent. » Robert Carsen met en lumière le thème de l’opéra. « Cette œuvre donne à réfléchir sur la notion de temps dans nos vies. C’est presque un plaidoyer pour la mort, ce que Karel Čapek a écrit : on ne peut vivre que si l’on sait que l’on va mourir. » Janáček, lui-même, écrivait d’ailleurs à Kamila Stösslova qu’il aimait à sens unique et à qui fait d’ailleurs référence la froideur d’Emilia Marty : « Nous sommes heureux parce que nous savons que nous n’allons pas vivre longtemps. Il nous faut donc utiliser chaque instant, l’utiliser à bon escient. Dans notre vie, tout est hâte et désir. » Référence évidente à tous ces moments passés à se dire que l’on perd son temps, ou qu’on en manque. Ce qui a plu à Robert Carsen, c’est finalement l’intemporalité de la thématique : comment bien vivre, bien utiliser notre temps ? Quelle est la valeur d’une vie ? L’immortalité est-elle vraiment un idéal ? « Je pense que c’est un sujet très intéressant pour notre époque, où on essaie à tout prix de préserver la jeunesse, de vivre plus longtemps, etc. », explique-t-il. C’est pour ce thème extraordinaire, magique et à la fois terriblement réel, que Robert Carsen avait très envie de mettre en scène L’Affaire Makropoulos. « Il y a beaucoup de matière pour un metteur en scène, mais je n’ai pas la moindre intention de vous dire comment va être la production, parce que je ne veux pas enlever la surprise. »







L’AFFAIRE MAKROPOULOS 
opéra les 2, 5, 7, 10 et 12 avril à l’Opéra du Rhin, à Strasbourg et les 19 et 21 avril à la Filature, à Mulhouse




Texte / Interview  Stéphanie Linsingh
A lire dans le magazine NOVO n°13

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