Avec Le
Trouvère et La Traviata, Rigoletto fait partie de la triade de la maturité de Giuseppe
Verdi. Le metteur en scène Robert Carsen s’est emparé de cette œuvre reprenant
l’argument du Roi s’amuse de Victor
Hugo pour la transposer dans l’univers du cirque. Une lecture futée, une scénographie
éblouissante et une direction des artistes convaincante.
Rigoletto à La Monnaie (© Bernd Uhlig)
Le thème de la malédiction
en prélude nous glisse jusqu’au rire narquois de Rigoletto. Des lourds rideaux
du théâtre, il surgit, grimé en clown sinistre. Antonyme du Pierrot – costume
noir à la collerette blanche –, il brandit une poupée de silicone avant de
rejoindre la piste. Le Duc de Mantoue, coureur de jupons invétéré, orchestre un
spectacle de domptage dans lequel les félins sont des femmes dénudées. Alors qu’il
participe aux excès du chapiteau, Rigoletto est loin de s’imaginer que le Duc a
séduit Gilda, l’enfant qu’il protège maladivement. Car lorsqu’il ôte son
masque, l’homme n’a plus rien du bouffon sardonique ; il est un père
excessivement soucieux. Gilda est cloitrée dans sa roulotte et ne peut sortir
que pour se rendre à l’église – où elle a rencontré le Duc et en est tombée
amoureuse.
Rigoletto à La Monnaie (© Bernd Uhlig)
L’œuvre
de Verdi dénonce la domination masculine, tant sexuelle que patriarcale. Quand
Rigoletto a vent de l’union entre sa fille et le Duc volage, il paie un tueur
pour venger l’honneur de sa progéniture. Mais c’est Gilda qui mourra (lors d’un
final grandiose – un numéro de tissu aérien, bref à juste raison et intense –)
pour sauver celui dont elle est éprise.
Rigoletto à La Monnaie (© Bernd Uhlig)
Avec
Rigoletto, Verdi a offert un bel
équilibre entre musicalité et théâtralité. Les lignes vocales se fondent avec
le texte du livret et épouse la musique de l’orchestre, mené par Carlo Rizzi.
On retrouve bien sûr les incontournables «
La donna è mobile » et « Duca,
duca... », mais surtout de très beaux ensembles dramatiques, comme le
quatuor et la tempête du dernier acte. Simona Šaturová est brillante dans le
rôle de Gilda et on ne se lasse pas du talent du metteur en scène canadien. A
la sortie de La Monnaie, les étoiles de la piste sont dans nos yeux et nos
oreilles.
RIGOLETTO,
opéra du 8 au 23 mai 2014 à La Monnaie, à
Bruxelles
Texte Stéphanie Linsingh / Photos Bernd Uhlig