mardi 25 novembre 2014

Plutôt crier qu’applaudir



« Apportez des lunettes noires et de quoi vous boucher les oreilles. » Voici ce que l’on pouvait lire sur l’affiche de Relâche en 1924.  Il faut dire que pour l’époque, le ballet instantanéiste de Francis Picabia était novateur et déroutant. La chorégraphie de Jean Börlin comportait des instants de pause, durant lesquels les danseurs s’affairaient sans musique, s’asseyaient, fumaient, se déshabillaient devant ce mur de lumière composé de centaines de réflecteurs métalliques connectés à des ampoules électriques. La scénographie clinquante et les costumes à paillettes satirisaient les Années folles. À l’entracte, était diffusé un intermède cinématographique ; le bien nommé « Entr’acte » de René Clair. Dans ce film, on retrouvait de nombreux acteurs du mouvement dadaïste : Man Ray et Marcel Duchamp en joueurs d’échec, Inge Frïss en ballerine à barbe, Francis Picabia et Erik Satie (à qui l’on doit la musique d’Entr’acte, mais aussi de Relâche) en chargeurs de canon, Jean Börlin en chasseur et prestidigitateur et bien d’autres en hommes poursuivant un corbillard attelé à un dromadaire. C’était la première fois qu’il y avait une césure cinématographique dans un spectacle de danse. Un instant d’onirisme foutraque que l’on pourra retrouver dans la reconstitution de ce 24e et dernier ballet suédois par Petter Jacobsson et Thomas Caley. Suite à de longues recherches, les chorégraphes sont parvenus à trouver les matériaux nécessaires à cette reprise. Ainsi, 90 ans après la création du ballet de Picabia, les danseurs du Ballet de Lorraine peuvent à nouveau faire Relâche. Et comme l’indiquait le tableau du second acte : « Si cela ne vous plaît pas, vous êtes libres de foutre le camp ».



Relâche
le 24 janvier 2015 au CCN - Ballet de Lorraine, à Nancy

Texte Stéphanie Linsingh / Photos Laurent Philippe

À lire dans le magazine NOVO n°32

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