Une immense feuille de papier recouvre
l’espace dans lequel va se jouer la performance. Le danseur, Aniol Busquets
Julià, se tient au bord de celle-ci. Il se glisse sous elle et c’est alors que
prennent forme des paysages, qu’il crée par le dessous. Vague, banquise qui se
craquelle, draps froissés par l’amour, chrysalide ou volcan en éruption, le
papier est une page blanche pour l’imaginaire du spectateur. Comme lorsque l’on
observe les nuages, chacun se construit sa propre perception. Mieux : le
dispositif est tel qu’il n’évoquera jamais deux fois la même chose à un spectateur
identique, puisque la feuille réagira toujours de façons différentes. Cette
pièce chorégraphique, à mi-chemin entre les arts visuels et la danse
contemporaine, est née de l’imagination de Thibaud Le Maguer, un peu par
hasard. Il travaillait sur la relation à l’autre et avait l’idée de projeter
des ombres. Pour cela, il avait rempli un espace de papier. « J’en avais accroché aux murs, au
plafond… Je me demandais comment mettre en scène mon absence. Et puis, un jour,
j’ai décroché tout ce papier, qui s’est retrouvé à terre… Je suis allé sous la
feuille, j’ai fait une improvisation et là, le miracle s’est produit. »
Le propos de la pièce repose sur la retranscription d’une conférence du philosophe
Jean-Luc Nancy, intitulée Partir – Le
Départ. « Jean-Luc Nancy nous
explique qu’il n’y a que les humains qui partent. On pourrait penser que
certains animaux, les oiseaux migrateurs par exemple, partent. Mais en fait,
ils ne font que s’en aller. Ils reviennent toujours à l’endroit d’où ils sont.
Alors que les humains, eux, partent, se séparent, laissent derrière eux une
trace d’eux-mêmes pour aller ailleurs. » Tout le projet s’articule
autour de la question de la séparation. Ainsi, par ses gestes, le danseur tend
à se séparer avec douceur de l’enveloppe de papier, tandis qu’il laisse sur
celle-ci la trace de son passage.
PAYSAGE DE LA DISPARITION,
le 19 décembre 2014 à l’Arsenal, à
Metz
Texte Stéphanie Linsingh / Photo Thibaud Le Maguer
À lire dans le magazine NOVO n°32
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