vendredi 20 juillet 2012

Une quête en cache d’autres

Stéphane Braunschweig a trouvé son auteur en Luigi Pirandello. Son adaptation de Six Personnages En Quête D’Auteur, pièce de 1921, n’a hélas pas convaincu l’ensemble du public présent dans la Cour des Carmes d’Avignon.

Sur scène, une salle de répétition théâtrale. Côté cour : un miroir en fond (qui ne trouvera aucune utilité), une table, cinq chaises et une caméra braquée sur un divan. Côté jardin : un plateau blanc laqué et une seconde caméra. Quatre comédiens et leur metteur en scène arrivent au compte-goutte, leurs incertitudes en bandoulière et le micro bruyant. À la recherche d’une pièce transcendante et à court d’imagination, ils discourent sur le théâtre, la création, l’improvisation. Leur jeu est convenu et les dialogues relèvent plus de la déclamation que de l’échange naturel . Seul Christophe Brault tire son épingle du jeu. Ceci dit, les avis évoqués ne sont pas dénués d'intérêt. « C’est le réel qui intéresse les gens », « On est tous des personnages », « Faire paraître vrai ce qui ne l’est pas n’est que folie ». 


Tombant à pic, six personnages entrent alors dans la salle de répétition. Abandonnés par leur auteur, ils sont à la recherche d’un directeur et désirent plus que tout que la troupe incarne leurs rôles pour se sentir accomplis. Cela tombe bien pour la compagnie théâtrale ; l’histoire qu’elle cherchait lui tombe dans le bec, et c’est en quelque sorte du réel (le texte de Pirandello affirme d’ailleurs que les personnages sont plus réels puisque la réalité des gens peut varier de jour en jour, à l’inverse de celle des personnages qui est fixée pour toujours). Psychodrame familial : une femme quitte son mari pour un autre homme, entraînant sa fille avec elle. Le garçon du couple est placé chez une nourrice. La mère a deux autres enfants, un petit garçon et une fillette, avec son amant, avant qu’il ne les quitte. Les personnages sont partiaux, parce qu’ils ont été créés comme ça. Inachevés car abandonnés par leur auteur, ils sont sans nuance. Cela peut agacer, mais cela se tient.


Le metteur en scène convaincu par leur histoire, commencent les répétitions. Les comédiens filment les personnages pour recopier leurs comportements. Sur le mur blanc du plateau, les images filmées sont projetées directement. Les interprétations exagérées et loufoques font rire le public. La pièce prend enfin son envol. L’humour et l’intrigue prennent le pas sur le cérébral et la platitude. L’utilisation du plateau, même si elle reste réduite, devient plus enthousiasmante ; elle permet une belle mise en relief des personnages. L’histoire de la famille se dessine de plus en plus jusqu’à la découverte de la cause du mutisme du petit garçon et du deuil de la mère. Le dénouement est convaincant ; il permet de comprendre les comportements de chacun des personnages, la révolte de la jeune fille, l’énervement et la distance du jeune homme, la honte du père, la détresse de la mère… La vérité éclate, brusquement, comme si les personnages, ne connaissant que leur version des faits, apprenaient seulement l’histoire globale.

On peut regretter que la pièce se termine par une chute qui en a laissé perplexe plus d’un, au lieu de se tenir à cette réflexion en filigrane. Mais pour une pièce sur une pièce, il fallait sans doute tenter un coup de théâtre.

SIX PERSONNAGES EN QUÊTE D'AUTEUR (DE LUIGI PIRANDELLO, MISE EN SCENE DE STEPHANE BRAUNSCHWEIG), 
théâtre du 9 au 19 juillet, au Cloître des Carmes, à l'occasion du Festival d'Avignon

Texte Stéphanie Linsingh / Photos Christophe Raynaud de Lage

Critique rédigée dans le cadre de la formation à la critique théâtrale mise sur pied par l’Université de Liège et le Théâtre de la Place. Retrouvez ce papier et celui des autres jeunes critiques sur le blog théâtre du Soir, tenu par le journaliste Jean-Marie Wynants : http://blog.lesoir.be/entractes/

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