dimanche 20 mars 2011

Le théâtre sauvage

Loin des conventions, Cyril Pointurier et ses interprètes prennent possession de Hærmændene på Helgeland. Le texte d’Henrik Ibsen est improvisé, violenté et réinterprété dans une mise en scène à nu où la musique, le chant et les voix libèrent la dramaturgie de cette histoire viking.

Ils s’appellent Ørnulf, Hjørdis, Sigurd, Gunnar ou Dagny, ils sont Scandinaves et ils sortent tout droit d’une saga du VIIIe ou IXe siècle. Ils sont pourtant pétris d’interrogations semblables aux nôtres : comment être soi-même, rester libre par rapport aux obligations et aux conventions sociales et comment trouver le bonheur ? La pièce Helgeland, mise en scène par Cyril Pointurier ne sombre cependant ni dans le mélodrame, ni dans le folklore norvégien ou viking. « La sensibilité du texte nourrit très précieusement notre démarche, car on aurait vite fait de tomber dans quelque chose d’abstrait, d’assez froid où on verrait juste trois personnes en train de dire un texte, de chanter et de faire des percussions. » Quand il évoque le recours à l’improvisation, Cyril Pointurier l’inscrit dans une logique qui semble évidente : « Les Vikings sont des guerriers et des brutes, mais ils sont aussi préoccupés par un souci d’honnêteté et de bonté. Ça les rend très humains et pour manifester cette humanité, il ne faut pas que notre théâtre soit trop civilisé. » Du théâtre, c’est bien le mot, car tous les quatre racontent une histoire. La batterie et le synthétiseur de Francesco Rees et les voix de Jeanne Barbieri et de Philippe Cousin étant les moyens mis à la disposition du metteur en scène pour raconter cette histoire. La musique et l’interprétation sont à l’image de cette région norvégienne appelée Helgeland : sauvages. « C’est important qu’avant tout on entende, non pas spécialement les mots ou les tournures d’Ibsen, mais ce qu’il a visiblement eu envie de dire et d’exprimer. On n’hésite donc pas à prendre des libertés avec le texte et avec sa traduction – qui date de 1935, pour le faire respirer. » Parmi les libertés prises, il y a notamment le choix d’utiliser deux chansons qu’Henrik Ibsen avait écrites sur base de son texte de 1858 Les Guerriers à Helgeland. (L’écrivain avait en effet l’envie d’adapter son œuvre en opéra.) Mais surtout, il y a ce recours surprenant à une chanson bien plus contemporaine : Dead Souls de Joy Division. « Cette chanson semble pouvoir s’intégrer dans notre travail, car elle est chargée d’une aura guerrière et ensorcelante. Nous allons essayer de voir comment on peut l’utiliser… » En voilà qui ont su rester libres face aux conventions, en tout cas.


HELGELAND 
théâtre du 10 au 12 mars au Hall des Chars, à Strasbourg 
www.halldeschars.eu


Texte / Photo Stéphanie Linsingh
A lire dans le magazine NOVO n°13

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