mardi 25 septembre 2012

Les sœurs infidèles

De prime abord, Così fan tutte n’est pas l’opéra le plus flatteur à l’égard de la gent féminine. Loin de là. Jadis, Mozart avait d’ailleurs heurté la bourgeoisie et ses fondements moraux. Mais on aurait tort de vouloir à nouveau édulcorer le livret de Lorenzo da Ponte.

« On a tout dit de la musique, je crois, lorsqu’on a dit qu’elle est de Mozart. » En 1790 déjà, le critique du Journal des Luxus und der Moden avait tout résumé. La partition de Così fan tutte déploie agilement une palette de sentiments, entre cynisme et sincérité, dévotion et errances, frivolité et tragédie. Franches, les notes sonnent vraies, même dans la mascarade. Et Mozart réussit à dépeindre la complexité des êtres, leur inconstance et leur fragilité avec une justesse inouïe.  L’histoire part d’un pari qu’un homme désabusé, Don Alfonso, lance à Ferrando et Guglielmo. Selon le vieux philosophe, la constance des femmes est comme le phénix arabe ; tout le monde y croit, mais personne ne l’a jamais vu. Les deux amoureux, sûrs de la fidélité de leurs amies misent cent sequins : les sœurs Fiordiligi et Dorabella font exceptions. Aidé de Despina, la femme de chambre des deux fiancées (pour qui il faut aimer par commodité, par vanité, puisque les hommes sont adultères), Don Alfonso échafaude son plan. Ferrando et Guglielmo doivent feindre de partir au front et revenir sous les traits de séducteurs albanais afin de faire chavirer les cœurs de Fiordiligi et Dorabella. Si au départ, les sœurs semblent d’une fidélité à toute épreuve, petit à petit la tromperie s’insinue… jusqu’à l’officialisation des unions volages. Enfin, puisqu’il le faut, les masques tombent. Ferrando et Guglielmo reprennent leur rôle – la farce ne les fait plus rire – et avouent l’imposture, les sœurs sont mortifiées (peut-être davantage d’être découvertes, que d’avoir été heureuses dans d’autres bras). Au final, l’aventure donne raison à Don Alfonso. « Così fan tutte » ; « Ainsi font-elles toutes ». Le jeu a dérapé, dépassé les protagonistes. L’école de la vie. L’école des amants. On apprend. Il y a d’autres valeurs, tout comme il y aura d’autres paris.


Così fan tutte,
opéra les 25, 27, 30 septembre et 2, 4 octobre à l’Opéra national de Lorraine, à Nancy

Texte Stéphanie Linsingh / Photo Marc Weeger

A lire dans le magazine NOVO n°21

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